Wednesday, December 07, 2005

Train Weligama-Colombo


Dans un tournant, penchée à la fenêtre je vois la loco rouge à travers la verdure ; l'impression que la végétation dense et omniprésente s'écarte sur son passage. Sur ma gauche, j'aperçois la mer qui déroule paisiblement, l'une après l'autre, ses vagues. Je suis ballottée de droite à gauche et d'avant en arrière. Le bruit assourdissant des roues sur les rails, des wagons qui s'entrechoquent ne laisse aucun répit aux oreilles. La porte ouverte donne sur la voie… Lourde porte en ferraille rouge bœuf sur laquelle se détache le chiffre 3 dans un jaune vif bordée de noir. Dehors, dedans, pas de cloisonnement ; fenêtres et portes sont ouvertes aux paysages.
Les jambes à la recherche d'un équilibre, des billets de loterie dans une main, l'autre s'agitant dans le vide à la recherche d'un appui, un aveugle traverse le train en quête de quelques roupies.
Grand silence soudain ; le train se pose ; arrêt sans raison apparente et tout devient silence. Le bruit de ferraille et de roues buttant sur les voies est remplacé par le chant des oiseaux et le vent dans les cocotiers… Repos… La trêve est de courte durée… On redémarre.
Un peu plus tard, Galle, premier arrêt. Foule sur le quai, précipitation, chacun se pousse et se bouscule pour obtenir une des rares places assises. Femmes en saris, hommes en chemise blanche et sarong, étudiants… Puis le calme revient. Sur le quai, un petit comptoir ambulant avec son parasol « Nescafé ». Les hommes se pressent autour de lui une tasse à la main… Derrière, un autre train en attente, de nombreux enfants aux fenêtres : partage de larges sourires, leurs dents blanches illuminent leurs visages brunis et leurs yeux noirs rayonnent.
Un bruit de pièce me fait tourner la tête : au sol, rampant, un homme rongé. Rongé par la maladie, rongé par la lèpre qui lui a emporté les pieds, le nez et ne lui a laissé qu'une phalange à chaque doigt.
Panadura. Ville entièrement détruite où les bidonvilles s'étalent le long des voies, je peux les toucher en étendant la main. De part et d'autre des rails, la vie grouille. Sur les bastings, le linge sèch. Posées sur les linges, une multitude de petites pierres pour contraindre le vent. Assis sur les rails, une famille mange paisiblement. Le passage du train ne semble pas les perturber. Le spectacle des dégâts causés par le Tsunami est encore présent, il s'étale sous mes yeux… Je ne m'habitue toujours pas à ces amas de pierre et de ciment, à ces restes de tentes qui battent au vent. Un peu partout, des cahutes faites de matériaux récupérés ça et là : bois, plastique, tôles ondulées… Misère que le temps n'est pas prêt à effacer… Combien d'années encore, ces ruines qui ravivent le souvenir du Tsunami ? Mémorial vivant de la catastrophe.
Parallèlement, le long de la voie, fleurissent aussi des maisons neuves, sortes de lotissements fraîchement peints pour un nouveau départ. Mais les yeux des habitants sont toujours rivés sur l'étendue bleue qui leur fait face et la terreur se lit dans leurs visages. Leur confiance est à tout jamais perdue ; ils attendent le prochain Tsunami comme une évidence.
Face à moi, une femme en sari orange drapée sur un haut noir ajusté ; aux oreilles, deux boucles dorées, aux lèvres un sourire radieux. Dans ces doigts roulent de petites graines, épices aux couleurs variées qu'elle porte jusqu'à sa bouche. L'odeur délicieuse me transporte en Inde où l'on sert ces petites graines digestives à la fin des repas.
Vendeurs ambulants passent et repassent. Dans les paniers d'osiers, des boulettes de maïs agrémentées de jolis piments rouge ; le long d'une tige en fer de multiples petits paquets contenant friandises, cacahuètes, pois chiche… Sur la tête de l'un d'eux, de délicieux ananas coupés en petits cubes.

150 kilomètres parcourus ; 4 heures plus tard, me voici à Colombo.


IN THE TRAIN FROM WELIGAMA TO COLOMBO



The train turns and I look out of the window and see the red locomotive through the jungle green; it seems as if the thick vegetation all round us opens up to let the train pass. To my left is the sea, the waves breaking quietly on the shore. I swing from left to right and backwards and forwards. The noise of the wheels on the tracks and the coaches banging together is deafening. No rest for the ears.
The carriage door opens onto the tracks. It is a heavy metal door painted red with the number three on it in bright yellow with a black outline. There are no partitions inside or out - doors and windows are open to the view.
A blind man selling lottery tickets tries to keep his balance and gropes for a hand hold as he tries to earn a few rupees.
Then all at once silence. The train stops nobody knows why. The noise of iron wheels on the tracks is replaced by birdsong and the sound of the wind in the palm trees. A short rest and we are off again. A short time later we arrive at Galle,the first stop. Crowds on the platform,people rushing about pushing and shoving to get one of the few seats. Women in saris, men in white shirts and sarongs, students. Finally calm is restored. On the platform there is a small mobile shop with a "Nescafé" parasol. Men are crowded round it holding cups.
In the background another train waits and many children look out of the windows. Smiles are exchanged, white teeth light up dark faces and black eyes are aglow. The sound of a coin falling attracts my attention. A sick man is crawling down there . He is eaten away by leprosy with no feet or nose and only a few fingers.
Panadura. A town almost totally destroyed with slums each side of the railway. I can almost touch them by holding out a hand. On both sides a crowded scene. Washing drying on the tracks with lots of little stones to keep the clothes from blowing away. A family sitting on the rails to eat. The passing train does not disturb them.
The damage caused by the tsunami is evident and I can see it everywhere. I cannot get used to the idea of these piles of stones and cement with old tents flapping in the wind. Everywhere there are huts made of left over materials - wood,plastic corrugated iron. Misery that will be a long time passing. How many years will it take to clear the ruins and forget the tsunami ? They are a reminder of a catastrophe. At the same time new houses appear beside the railway, painted and ready for a new future. But the inhabitants still look at the blue horizon with fear and it shows in their eyes. They have lost hope and feel sure that there will be another tsunami.
Opposite me is a woman with an orange sari over a tight black bodice, two gold earrings and a bright smile. She fingers small spice seeds of different colours before eating them. The smell reminds me of India where these small digestive seeds are served at the end of a meal.
Food sellers walk up and down. Balls of maize with a red pepper dressing in wicker baskets; little packets of small eats, peanuts,chick peas all tied to a long metal rod. One of them carries on his head delicious pieces of pineapple cut into small cubes.

150 Klm and four hours later and here I am in Colombo.

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