Friday, April 22, 2005

Le travail des volontaires


Une autre découverte, qui m’émeut beaucoup aussi c’est la solidarité internationale qui existe sur place. Je rencontre des gens du monde entier, des Etats Unis au Bangladesh, de la Corée à la Nouvelle Zélande, de l’Irlande à l’Allemagne, tous ces gens travaillent ensemble avec acharnement, 8 heures par jour 6 jours sur 7.
Beaucoup ont lâché leur travail au lendemain du 26 décembre pour venir ici. Certains prennent des vacances et beaucoup d’étrangers qui vivaient au Sri Lanka s’investissent entièrement dans la reconstruction. Sur les routes, en longeant la côte on ne se rend pas compte de toute cette énergie déployée mais en rencontrant les gens on prend conscience soudain de l’ampleur des aides. Montage des tentes [par dizaines de milliers], ravitaillement, distribution du minimum de survie [ustensiles de cuisine, moustiquaires…] reconstruction des maisons temporaires, reconstruction des maisons définitives, assainissement des camps, aide médicale, réparations de bateaux, soutien au redémarrage des petites entreprises individuelles…et j’en passe, la plupart des organisations se spécialisent dans un secteur précis pour être efficace et ne pas marcher sur le terrain des voisins. Je n’ai, pour l’instant, travaillé qu’au sein d’une organisation, Projectgalle [www.projectgalle2005.com] mais j’ai le sentiment qu’il en émanait une sincère générosité, dosée avec intelligence, réflexion et humanité.
Evidement il y a comme dans tout groupe des caractères différents et quelques divergences de point de vue mais toujours je trouve avec une belle humilité, un souci de limiter le choc des cultures, une pensée pour l’autre, comment aider au mieux sans heurter leur sensibilité en ces moments si douloureux. Aider mais ne pas créer de dépendance, avec un souci permanent de les investir dans les projets afin qu’ils puissent les poursuivre seuls.
Voilà en quelques mots mais premières sensations, mais ils vous manquent cette chaleur moite, les sons si différents ici, les visages évidemment, les décors kitchs et crasseux, les lézards, araignées, rats, fourmis et cafards.

Sunday, April 17, 2005

Sensation du Sri Lanka II

« Se sentir chez soi dans la coquille des autres comme un Bernard l’hermite. »
Jacques Lacarriere
J’aime cette sueur qui coule sur mon corps dès les premières minutes de la journée cette poussière qui imprègne tout,…et cette liberté de parcourir les routes au milieu de cette population nonchalante.
J’aime aussi cette sensation forte de se sentir en vie et de savoir que celle-ci ne tient qu’à un fil. Ici on vit avec le danger et on prend des risques en permanence et c’est sans sécurité excessive, mais avec une grande vigilance, que l’on reste en vie sans avoir peur des dangers. Ils ne sont pas dans « le tout sécurité mais dans le tout risque » et j’ai la sensation que cela donne plus de conscience et les rend heureux de vivre, sans plainte et sans tristesse [extériorisée en tous les cas]. La maladie et la mort les frôlent et je ne peux pas lire de la peur mais le sourire d’être encore en vie. Le danger le plus signifiant est celui des transports….la conduite est indescriptible bien qu’elle ressemble à la conduite de beaucoup de pays du sud, conduite au centre [ni a gauche, ni a droite] avec la loi du plus fort. Comme chacun, je monte dans le bus en marche, m’agrippe à la barre, le pied en équilibre sur le marche pied, il suffit d’une minute d’inattention pour se retrouver sur le macadam. La sortie du bus au milieu de la chaussée est un jeu de slalom-risque afin d’éviter les tuc-tucs, les vélos et les camions ! Cela n’empêche aucunement les enfants, les vieillards et toute la population de marcher sur la route dans une passivité étonnante.
J’aime cette prise de risque, cette indiscipline, tellement différente du « tout sécurité » de nos pays avec nos ceintures, nos trains climatisés avec fenêtres fermées, nos sièges auto, nos alarmes etc…
Parmi tous ces dangers le plus grand et le plus dévastateur a été le Tsunami [avec un T majuscule comme ils l’écrivent]. On ne peut avoir la moindre idée de ce que cela peut être, vu de l’extérieur…une série d’attentats, un pays en guerre, un tremblement de terre, je ne sais à quoi comparer ce désastre, je n’ai jamais rien vu de semblable. De Colombo à Jafna, sur 1 kilomètre à l’intérieur des terres ce ne sont que ruines, maisons effondrées, montagnes de gravats, il ne reste que les chapes de ciment au sol pour repérer l’existence d’une habitation. Aujourd’hui des cabanes en bois remplacent progressivement les tentes qui sont encore là, par centaines de milliers au milieu des marécages, eaux stagnantes que la mer a laissées derrière elle et où pourrissent tout ce que pouvaient contenir les maisons. Au milieu de cela une population démunie de tout, leurs maisons, leurs meubles, leurs souvenirs, leur travail, leurs échoppes et meurtrie par les pertes de membres de leur famille qui se comptent le plus souvent sur les doigts des deux mains. Tous ont vécu un film d’horreur. Ils sont marqués dans leurs chairs et dans leurs cœurs. Les morts sont là et hantent les marécages, il n’y a pas de cimetière, pas de tombe mais des corps enterrés ça et là au milieu de leurs habitations de fortune.
Face à tout cela un Etat qui n’est pas en mesure de gérer un tel évènement. Je suis incapable de juger l’intégrité de la politique menée. Toutes les victimes se plaignent du gouvernement qui ne fait rien. Il est vrai que les seules choses qui évoluent sont prises en charge par les ONG.
Les premiers jours j’ai été surprise, étonnée et décontenancé de voir que la population qui ne faisait rien pour se mobiliser, pour reconstruire, il y a un laisser aller surprenant que je n’arrivais pas à comprendre. Voir les jeunes et les moins jeunes déambuler toute la journée sans autres activités que d’alpaguer les touristes [ la plupart part des ONG] alors que le pays est dévasté.
« Les voyageurs n’ont, ordinairement pour observer, que les lunettes qu’ils ont apportées de leurs pays et négligent entièrement le soin d’en faire retailler les verres dans le pays où ils vont. »
Jean Potocki
J’attends de retailler mes verres petit à petit pour pouvoir vivre cela sans jugement.

Sensation Sri lankaise

« Se sentir chez soi dans la coquille des autres comme un Bernard l’hermite. »
Jacques Lacarriere


J’aime cette sueur qui coule sur mon corps dès les premières minutes de la journée cette poussière qui imprègne tout,…et cette liberté de parcourir les routes au milieu de cette population nonchalante.
J’aime aussi cette sensation forte de se sentir en vie et de savoir que celle-ci ne tient qu’à un fil. Ici on vit avec le danger et on prend des risques en permanence et c’est sans sécurité excessive, mais avec une grande vigilance, que l’on reste en vie sans avoir peur des dangers. Ils ne sont pas dans « le tout sécurité mais dans le tout risque » et j’ai la sensation que cela donne plus de conscience et les rend heureux de vivre, sans plainte et sans tristesse [extériorisée en tous les cas]. La maladie et la mort les frôlent et je ne peux pas lire de la peur mais le sourire d’être encore en vie. Le danger le plus signifiant est celui des transports….la conduite est indescriptible bien qu’elle ressemble à la conduite de beaucoup de pays du sud, conduite au centre [ni a gauche, ni a droite] avec la loi du plus fort. Comme chacun, je monte dans le bus en marche, m’agrippe à la barre, le pied en équilibre sur le marche pied, il suffit d’une minute d’inattention pour se retrouver sur le macadam. La sortie du bus au milieu de la chaussée est un jeu de slalom-risque afin d’éviter les tuc-tucs, les vélos et les camions ! Cela n’empêche aucunement les enfants, les vieillards et toute la population de marcher sur la route dans une passivité étonnante.
J’aime cette prise de risque, cette indiscipline, tellement différente du « tout sécurité » de nos pays avec nos ceintures, nos trains climatisés avec fenêtres fermées, nos sièges auto, nos alarmes etc…
Parmi tous ces dangers le plus grand et le plus dévastateur a été le Tsunami [avec un T majuscule comme ils l’écrivent]. On ne peut avoir la moindre idée de ce que cela peut être, vu de l’extérieur…une série d’attentats, un pays en guerre, un tremblement de terre, je ne sais à quoi comparer ce désastre, je n’ai jamais rien vu de semblable. De Colombo à Jafna, sur 1 kilomètre à l’intérieur des terres ce ne sont que ruines, maisons effondrées, montagnes de gravats, il ne reste que les chapes de ciment au sol pour repérer l’existence d’une habitation. Aujourd’hui des cabanes en bois remplacent progressivement les tentes qui sont encore là, par centaines de milliers au milieu des marécages, eaux stagnantes que la mer a laissées derrière elle et où pourrissent tout ce que pouvaient contenir les maisons. Au milieu de cela une population démunie de tout, leurs maisons, leurs meubles, leurs souvenirs, leur travail, leurs échoppes et meurtrie par les pertes de membres de leur famille qui se comptent le plus souvent sur les doigts des deux mains. Tous ont vécu un film d’horreur. Ils sont marqués dans leurs chairs et dans leurs cœurs. Les morts sont là et hantent les marécages, il n’y a pas de cimetière, pas de tombe mais des corps enterrés ça et là au milieu de leurs habitations de fortune.
Face à tout cela un Etat qui n’est pas en mesure de gérer un tel évènement. Je suis incapable de juger l’intégrité de la politique menée. Toutes les victimes se plaignent du gouvernement qui ne fait rien. Il est vrai que les seules choses qui évoluent sont prises en charge par les ONG.
Les premiers jours j’ai été surprise, étonnée et décontenancé de voir que la population qui ne faisait rien pour se mobiliser, pour reconstruire, il y a un laisser aller surprenant que je n’arrivais pas à comprendre. Voir les jeunes et les moins jeunes déambuler toute la journée sans autres activités que d’alpaguer les touristes [ la plupart part des ONG] alors que le pays est dévasté.

Wednesday, April 13, 2005

Comment l'histoire à commencer


“Voyager ne sert pas beaucoup a comprendre mais sert a réactiver pendant un instant l’usage des yeux : la lecture du monde. »
Italo Calvino


Voilà qui pourrait être une bonne introduction concernant mon court séjour.
Il y a sans doute rien à comprendre [prendre avec ?] mais pour ce qui est d’activer l’usage des yeux, alors ça oui… j’en ai vu plus que mes rétines ne peuvent stocker en si peu de jours. Je ressens aujourd’hui une overdose de sensations, une saturation en émotions. Je vais essayer –pas facile- de partager avec vous ce que j’ai vécu ici depuis deux semaines.
Pour commencer l’atmosphère du pays –que vous pouvez imaginer-, cet air irrespirable tellement charge d’humidité, ces odeurs , un mélange entre les délicieux parfums de fleurs et d’encens et la forte odeur des poubelles pourrissant dans les rues.
Rues encombrées de bus, mini bus [pas de voitures à proprement dit] tuc tuc, vélos, charrettes, bœufs, chiens, chats et autres humains. Les visages souriants ou curieux des femmes, les éternelles questions des hommes : « What‘s your name, where are your from, where are you going ? »
Les boudhas à chaque coin de rue qui ont l’air de vivre en bons termes avec les vierges, saint Sébastien et autres bondieuseries qui jalonnent les trottoirs, face aux temples hindouistes, règne de Vishnou, Ganesh et les autres. Au milieu de tout cela les enfants riants aux sorties des écoles tout en blanc vêtus….Les chaussées déformées, les trottoirs inexistants, les trous béants au milieu de la route et les détritus qui forment un tapi coloré.
Et me voici marchant dans ce brouhaha avec un réel bonheur…flip flop dans mes tongs, je me sens comme chez moi.